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Heavy Rain Move Edition

Après nous avoir enchanté en début d'année, Heavy Rain opère un retour inattendu sous la forme d'une édition Move. Alors simple gadget ou véritable évolution pour le jeu de Quantic Dream ?

 

 

De Heavy Rain, nous n'allons pas refaire le test au travers des lignes ci-dessous. D'ailleurs, par facilité, vous retrouverez le test d'origine de Christophe dès le prochain paragraphe. Non, l'intérêt de cette édition Move d'Heavy Rain résidait principalement dans l'intégration du nouveau contrôleur de Sony dans le gameplay du jeu. Et autant vous le dire, c'est une totale réussite. En effet, son principal atout est qu'il supprime un des défauts du jeu original, à savoir le déplacement des personnages avec R2. Grâce au Navigation Controller, c'est au stick dorénavant que vous gérez vos déplacements, les rendant bien plus naturels pour le joueur. Pour le reste, toutes les fonctionnalités du Move sont mises à contribution : vous "visez" les réponses à l'écran, vous mimez certains mouvements à effectuer (torsion comprise). Tout est bien intégré avec intelligence, on sent que le jeu a été conçu à la base pour la détection de mouvements comme nous le confiait récemment David Cage. C'est donc à un tout nouveau public que s'adresse cette édition, celui encore réfractaire à la manette. Pour les autres, retrouver tous les protagonistes de ce magnifique thriller quelques mois plus tard fera sans doute monter une énorme bouffée de nostalgie. D'ailleurs, quel autre jeu peut se vanter de nous avoir autant et aussi durablement marqué depuis février ?

Test Original
Aujourd’hui, combien de jeux vidéo ont eu un réel impact émotionnel sur chacun d’entre nous ? Combien de titres nous ont sensiblement marqué au point de ne penser qu’à eux pendant plusieurs jours ? On pourrait sans doute les compter sur les doigts d’une main. Comme ça, là, on pense à Shadow of the Colossus ou encore Braid. Dorénavant, il faudra compter sur Heavy Rain, dont l’expérience, proprement unique, s’impose comme une référence sans aucun équivalent.

L’histoire d’un deuil impossible
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Tout commence dans le bonheur. Le ciel est bleu turquoise et vient éclairer d’une belle lumière la chambre d’Ethan Mars. Ce dernier se réveille lentement. Il prend une douche, puis s’habille. Architecte, il est aussi le père de deux enfants. En attendant que sa femme rentre, le joueur peut s’occuper comme il le désire : boire un jus d’orange, se mettre de la musique ou dessiner quelques plans. Au bout d’un moment, le reste de la petite famille finit par rentrer à la maison. On peut alors choisir de jouer avec les enfants dans le jardin. Soit, des scènes de joies, apparemment anodines, qui ont pourtant une grande importance dans l’empathie mise en place par David Cage. Le soir venu, déjà, la mort de l’oiseau de l’un des fils, Shaun, sème le trouble et vient, on le devine, confronter l’enfant avec la mort pour la première fois. La séquence qui suit s’impose d’ores et déjà comme l’une des plus bouleversantes de l’histoire du jeu vidéo (on le découvrira plus tard mais le titre en réservera bien d’autres). Alors que toute la famille fait quelques achats dans un centre commercial, Ethan perd de vue son fils, Jason. Il court à sa recherche (la représentation admirable de la foule, l’étouffement et la panique qu’elle peut provoquer). Il finit par le retrouver à l’extérieur, sur le trottoir d’en face. En voyant son père, Jason traverse la rue sans regarder et n’aperçoit pas la voiture qui arrive. Et malgré la tentative désespérée de son père de sauver son fils, Jason trouve la mort sous les yeux de ses parents. De mémoire, c’est la première fois que le décès d’un enfant se trouve au cœur de l’histoire d’un jeu. Et il faut voir avec quelle infinie pudeur cette scène traumatisante est réalisée : un plan simple sur le ballon rouge de l’enfant qui monte lentement vers le ciel…

Un jeu dont vous êtes le héros
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Cette fabuleuse introduction ne pose pas seulement la base dramatique de l’aventure à venir, elle permet aussi de se familiariser avec le gameplay du jeu, à base de commandes contextuelles. On effectue un petit mouvement circulaire pour ouvrir une porte. On maintient une touche appuyée pour regarder à travers la fenêtre. Ou bien, on remue la manette pour se brosser les dents, via la reconnaissance spatiale de la Sixaxis, qui trouve, pour la première fois sur PlayStation 3, une utilisation réussie. Pour diriger Ethan, il faut appuyer sur R2, le stick gauche du paddle servant à orienter son regard. Si la maniabilité se montre un peu rigide (on n’est pas loin d’un Resident Evil), elle permet surtout au joueur de se focaliser sur ce qu’il peut observer, sur les décors. Heavy Rain se présente in fine comme une enquête dans laquelle on alterne entre quatre personnages (Ethan ; l’agent du F.B.I. Jayden Norman ; Madison Paige, une jeune femme insomniaque ; le détective privé Scott Shelby). Tous pourchassent le tueur aux origamis (un tueur d’enfant) dont la dernière victime, en sursis, n’est autre que Shaun.

Une affaire de choix
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Heavy Rain nous plonge alors dans une course contre le temps aux allures de descente aux enfers. Une terrifiante histoire qui va entraîner le joueur jusqu’au bout de lui-même et l’opposer face à des choix moraux, que l’on ne s’attendait pas à voir dans un jeu vidéo de sitôt. On n’en révélera évidemment pas la teneur mais certaines situations sont d’une telle intensité, d’une telle puissance émotionnelle que le joueur se retrouve véritablement démuni face à elles. C’est là oùHeavy Rain met en évidence sa particularité (sa supériorité ?) sur le cinéma, via son interactivité. Par ailleurs, la sensation de véritablement changer le cours de l’histoire s’avère décuplée par le fait que chaque action a des conséquences souvent irrémédiables. Pas de Game Over ici, puisque même si l’un des personnages meurt, l’enquête se poursuit malgré tout. A dire vrai, tout ce que David Cage avait entamé dans le déjà très bon Fahrenheit trouve ici une forme d’accomplissement. DansHeavy Rain, on ne s’identifie pas seulement aux personnages, leurs peurs deviennent les nôtres, leurs devenirs nous importent et finissent même par nous émouvoir, nous toucher. Plus encore que dans Fahrenheit, la narration interactive touche au sublime, sans jamais délaisser une dimension ludique indispensable, qui immerge encore plus le joueur dans l’aventure (les incrustations de touches tremblotantes ou tournoyantes dans certaines situations critiques). A ce sujet, il serait dommage (et faux) de résumer le gameplay du jeu à une succession de QTE (Quick Time Event : une action déclenchée par le joueur grâce à une succession rapide de commandes). Toujours est-il que ces passages se montrent grisants, nerveux et cohérents (les mouvements suivent ceux des personnages). Revenons à la narration interactive pour souligner à quel point l’intrigue apparaît soignée. Les multiples enquêtes jouent habilement sur leurs entrecroisements et renforcent l’intérêt du joueur pour découvrir le fin mot de l’histoire (le twist final brillamment amené).

Un jeu vidéo qui fait son cinéma
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Si David Cage connaît parfaitement le fonctionnement d’un jeu vidéo, on mesure combien l’homme aime le cinéma. Les références s’avéraient un peu lourdes dans Fahrenheit mais, ici, elles semblent parfaitement assimilées et toujours au service du scénario. La direction artistique, époustouflante, n’a, à l’heure actuelle, aucun équivalent dans le jeu vidéo. Qu’il s’agisse de la musique (les thèmes merveilleusement utilisées), du travail sur le son (celui de la pluie, les arrières fonds) ou de l’image. Attardons-nous un instant sur ce dernier point pour saluer la qualité des diverses atmosphères créées. Certaines salles, certains passages, de par l’utilisation des couleurs, de la lumière, suffisent à provoquer un sentiment de peur ou de malaise (la scène d’agoraphobie éblouissante en forme d’écho à celle du centre commercial, la découverte de l’appartement d’un suspect). Pour parachever le tout, la mise en scène atteint une forme d’excellence, là aussi admirable. On pense par exemple à l’emploi des split-screens qui rappellent celui d’un grand Maître du suspense comme Brian De Palma. Les références ne s’arrêtent pas là. Citons, de manière non exhaustive, Se7en, pour l’omniprésence de la pluie dans une ville que l’on ne nomme pas, Minority Report pour l’agent du F.B.I. ou encore le cinéma de David Lynch pour certaines ambiances. Alors oui, l’aspect photo-réaliste et l’animation ne sont pas toujours irréprochables (l’impression un peu robotique des personnages). Certaines séquences ne sont pas totalement réussies (c’est rare) et on note aussi quelques incohérences scénaristiques, qui semblent inévitables étant donné l’ampleur du projet et le niveau d’exigence face à un titre d’une telle trempe. Mais pour l’excellence de sa réalisation, son scénario aux multiples ramifications et parce qu’il procure des sensations inédites dans un jeu vidéo (on peut réellement se sentir déprimé), Heavy Rain s’impose comme une œuvre personnelle, majeure et bouleversante.

 

  • En résumé

Au moins autant que le jeu original, Heavy Rain Move Edition est une totale réussite. Partant d’un postulat tragique, Heavy Rain plonge le joueur dans une histoire mémorable, qui le placera face à des dilemmes aussi terrifiants qu’émouvants. Parvenir, avec autant de force, à bousculer le joueur au point de le marquer durablement n’est pas donné à tout le monde. Rien que pour cela, le jeu de David Cage marque une date et pousse le jeu vidéo à un niveau de maturité jamais atteint, ce dont on ne peut que se réjouir.

 
  • Les plus
  • Une sensibilité à fleur de peau
  • Une direction artistique magistrale
  • Excellente utilisation du Move
  • Les moins
  • Difficile de passer à un autre titre après…
 note : 19/20


03/04/2012
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